so heavy i fell through the earth ; juan

Date d'inscription : 19/06/2024

les sabots des chevaux tapent contre les cailloux qui recouvrent le sol.
le rythme devient hypnotique au bout d'un certain temps,
robbie fixe l'arrière de la tête juan
quelques mètres devant lui.
chaude après-midi de fin juin,
ses cheveux collent sur sa nuque
et robbie le fixe.
hypnotique, comme il y a toutes ses années
sur le ranch de ses parents
dans les couloirs des rodeos.
ça fait des années qu'ils n'ont pas été tous les deux sur des chevaux
encore moins sans avoir envie de se tuer.
c'est le souvenir de cette sensation qui a le plus surpris robbie la première fois que juan l'a recontacté,
tout est remonté d'un coup
la première fois que juan l'a battu
les insultes autour d'une cigarette à l'arrière des étables.
et les années qui ont suivi,
perdu entre la colère et la culpabilité à chaque fois qu'il y repense.
le temps passe, les choses restent les mêmes
au fond juan le déteste, ou robbie déteste juan
incapable de savoir qui a commencé,
même comme quand un jour comme ça il l'invite à faire un tour
probablement par pitié, parce que juan a vu ce que robbie est devenu.

alors il arrête son cheval
attend quelques instant,
toujours les yeux rivé sur l'arrière de l'homme en face de lui.
"juan,"
il baisse les yeux un instant
"qu'est que c'est tout ça?
qu'est qu'on fait?"
robbie hausse les épaules
incompréhension difficile à cacher
"on se voit, on vient ici
mais on parle jamais de cette époque
des rodeos."
il est maintenant face à juan
yeux dans les yeux.

@juan flores

Date d'inscription : 20/06/2024

on melancholy hill
ft. @Robbie Reeves
tw. aucun.
il ne sait pas pourquoi il a commencé tout ça. il l'a vu derrière le comptoir de bar, un soir, et c'était tellement étranger. comme si on avait déplacé tous les meubles de chez lui en son absence. un collage de photos cramées par le soleil; passé révolu qui fait coucou de la main à la porte d'entrée.
il se rappelle des coups, et des insultes, plus pernicieuses. un millier de petites aiguilles dans la peau, sous les os, la mécanique du coeur. le père qui cogne et le fils qui sourit.
le regard noir lorsqu'on le déclare vainqueur; lui, le mexicain.
robbie qui serre les poings. toujours plus riche. plus jeune. plus blanc.
jamais de refrains dans leur chanson, que des couplets à la pelle. ils débutent tous par des "si" et juan n'a jamais été sûr de rien, avec lui.
il l'a regardé décliner comme on regarde un train passé. bloqué sur le quai de gare désaffectée. dans le rodéo, on les appelle les étoiles filantes.
il s'est demandé, souvent, quand il croiserait enfin son nom, aux détours d'une page froissée. avis de décès. c'est comme ça. journal et café du matin.
ça boucle dans sa tête, alors que feliz avance d'un pas assuré à travers le désert de kanab, joue au guide pour eux quatre.
il lui a sorti un jeune mustang pour l'occasion. l'avait besoin de se dégourdir les pattes, et robbie aussi. c'est que malgré les années et la maladie, il lui fait toujours confiance un canasson en main. il peut le sentir ruminer derrière lui, suivre la cadence, les épaules raides et les lèvres pincées. juan réajuste son chapeau sur ses yeux. et pourtant, le regard de robbie le transperce tout pareil.
après une demi heure de silence contri, il parle enfin. juan n'a jamais réussi à tenir la conversation pour deux, avec lui. parce que ce n'en est pas.
c'est tout ce qu'ils ne pourront jamais se dire, bien calés au fond de la gorge. et parfois, la soupape saute. s'entre-ouvre.
un frisson qui parcourt son échine.
c'est vrai. qu'est ce que tu fais juan. peut-être qu'il veut juste se racheter une conscience. arrêter la boucle dans sa tête. mais la vérité, c'est que ça ne fonctionne pas très bien.
il regrette le temps des insultes.

- on s'ballade, c'est tout
- on profite d'une belle journée de repos
- dans la nature

je suis toi et tu es moi. on continue. y'a qu'une ligne droite à travers leur désert et faut bien avancer.

pourtant il s'arrête, la colère qui monte au bide, et un autre chose, plus vicieux encore.
fait volte face; feliz renâcle devant le jeune cheval, secoue la tête, solide. au moins lui le regarde dans les yeux.
-
-
- qu'est'que tu veux dire de plus de toute façon?
-
- c'est pas comme si on allait refaire l'histoire, sí?

mais on sort pas aussi facilement d'une maison hantée.

_________________

((ALORS CARCASSE SE
BLOTTIT DANS CARCASSE))

Date d'inscription : 19/06/2024

il a raison, juan
c'est une belle journée.
le soleil tape
ça brule sa peau
et dans son crane aussi.
robbie passe sa main dans ses cheveux
incapable de parler
la chaleur, l'attente, les sentiments.

qu'est ce qu'il veut dire de plus?
tout juan.
tout ce qui est bloqué
tout ce qui ne veut pas sortir.
désolé déjà pour commencer,
mais ça il a du mal robbie.
et non,
on va pas refaire l'histoire,
mais on n'est pas obligé de la balayer sous le tapis.

robbie regarde toujours juan dans les yeux jusqu'à ce que ça devienne inconfortable.
alors il lève les yeux au ciel
droit vers le soleil
il sent la sueur coller sur son visage.
"c'est débile…"
dis tout bas, étouffé,
plus pour lui que pour juan.
et il y la première fois que juan l'a battu
en larmes dans les toilettes
loin de son père
parce qu'il ne pouvait pas le voir comme ça
et parce qu'il avait pas envie non plus.
il a tellement bu ce soir,
il s'est réveillé dans un parc
la tête au point d'exploser
le visage dans la terre.
et il en voulait à juan
même si c'était pas forcément de sa faute
et qu'il lui a fallu des années pour le comprendre et l'accepter.
"j'étais jeune, tu sais
et j'étais en colère
je pensais pas tout ce que j'ai dit."
ça sort d'un coup
sans prévenir.
robbie se reprend,
il descend de son cheval et allume une cigarette.
"t'en veux une?"
il tend le paquet à juan
souffle sa fumée dans l'air.

@juan flores

Date d'inscription : 20/06/2024

on melancholy hill
ft. @Robbie Reeves
tw. aucun.

au fond il en a conscience, juan. qu'il fait tout ça plus pour lui-même que pour robbie.
parce qu'il y a un monde, à l'abri de leurs propres choix égoïstes, dans lequel ils auraient pu faire plus attention. à leur propres peines et à celle de l'autre.
mais pas dans celui-ci. celui-ci, juan essaye tant bien que mal de mettre de la pommade dessus; maladroitement, avec ses doigts crasseux et sans savoir où se
cache la brûlure.
c'est débile; oui.
on éteint pas un feu de forêt avec un seau d'eau.
mais c'est tout ce qu'il a.

feliz piaffe sous lui, comme s'il sentait l'orage, les oreilles qui s'agitent dans tous les sens. juan dit les mots qui apaisent, entre les dents. un murmure, dans sa langue natale. ça permet de décrocher son regard de robbie, parce qu'il a jamais su comment lui parler, à lui. il relève bien vite la tête quand il l'entend, pourtant. se justifier. demander pardon; à demi mots, entre les lignes.

alors juan éclate de rire; soudain. dans un souffle, qui part de ses entrailles pour s'échouer dans le désert. rien que la vérité.
il le regarde descendre de cheval, les restes de son rire sur les lèvres.

- robbie!
- te cae?
- tu crois que j'ai besoin de tes excuses?

il prend le paquet qu'il lui tend. il ne met pas pied à terre. pas tout de suite. une étincelle dans son regard. lugubre. robbie sur le plancher des vaches et juan qui le regarde de haut. de quoi allumer sa clope, et il lui rend son dû.
la fumée arrache la gorge. ça fait passer la colère; mais pas le reste.
alors il descend enfin, à son niveau. et cette fois, c'est lui qui le regarde dans les yeux.

- si vraiment j'en voulais, j'te les aurai demandé bien plus tôt
- genre y'a dix ans quand j'étais en réhab et que je pouvais pas passer un seul putain de jour sans y penser
-
-
un autre rire; plus sourd. il tire une taffe, lève les yeux au ciel. amen.

- ay, mais tu vois, j'ai avancé

il ment. juan fait du sur place depuis quinze ans. et peut-être qu'il a passé trop de temps, à les imaginer demander pardon. tellement souvent que l'image est imprimée dans la rétine. le visage de robbie et de son père, qui se superposent dans la nuit. le mettre à genoux; qu'il implore sa pitié.
parfois c'est toute la terre qui devrait s'excuser, et ces jours-là sont biens gris.
c'est peut-être pour ça qu'il ne réussira jamais à se racheter pour ses propres erreurs, juan.

- p't'être que tu devrais faire pareil.

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((ALORS CARCASSE SE
BLOTTIT DANS CARCASSE))

Date d'inscription : 19/06/2024

le rire de juan fait mal,
mais il est mérité
et c'est pour ça qu'il fait mal.
c'est vrai qu'il a pas besoin de ses excuses;
mais robbie a parlé sans réfléchir
ou en réfléchissant trop justement
il vomit ses mots sans même s'en rendre compte et tout sonne trop préparé
pas honnête
alors qu'il l'est sur le moment,
pour une fois.

les yeux dans les yeux une fois que juan descend de son cheval.
robbie aspire la fumée
et surtout il ne sait pas quoi dire quand juan lui parle de la rehab.
robbie brise le contact des yeux à la première occasion,
droit sur ses chaussures
couvertes de poussière
comme toujours quand on sort de la ville ici.

et surtout il a essayé d'avancer robbie,
mais il y a tout qui le ramène au point de départ.
les os cassés par les chutes
la grande cicatrice sur ton torse qui font qu'il lui a failli des années avant de pouvoir enlever son tshirt devant quelqu'un d'autre que neil.
il y a tous les gens qui s'en souviennent
qui lui rappellent quand ils le croisent
putain t'étais bon robbie, c'est dommage que t'aies dû arrêter.
ouais, c'est con
mais c'était ça ou la mort
et robbie peut pas avancer de ça.

"je savais pas.
pour la rehab.
tu me l'as jamais dit"
et bien sûr qu'il ne lui a jamais dit
ils ne se parlaient pas à l'époque
et surtout ils sont pas potes.
robbie se sent bête
plus que d'habitude
alors il passe sa main dans ses cheveux et va s'assoir à quelques mettre sur un rocher.
"je veux dire
je suis désolé,
ça va tu t'en sors?"

@juan flores

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