Burn it to the ground - Lysander

“Experience is the name every one gives to their mistakes.”
C'est un 11 novembre que naquit Lysander Tyler Wright, à Kanab.

Son enfance se fit dans un calme relatif. La vie lambda d'un gosse ordinaire. Avec ses hauts et ses bas. Fils unique, il vécu ici jusqu'à sa majorité, avant de partir pour Londres afin de poursuivre des études de Lettres. Excellent élève dans cette matière autant qu'il était médiocre dans tout ce qui touchait aux sciences, il avait obtenu une bourse d'études.

Et ça arrangeait bien ses affaires, car d'une façon ou d'une autre, il ne voulait plus vivre ici. Pas qu'il n'aimait pas le coin, non, il avait toujours bien aimé cette petite ville pittoresque. Mais avec ses parents, ce n'était pas la joie. Son paternel, après avoir perdu son boulot pour la énième fois, tomba dans l'alcool. Ça lui était déjà arrivé quelques fois mais jusqu'ici, il s'en était sorti. Plus maintenant. Ouais, il fuyait comme un gros lâche, et alors ? C'était peut être à lui de subir les travers de son père ? Bah non. Il voulait bien être gentil et compréhensif, mais à un moment donné, faut arrêter. Esquiver les jets de bouteilles vides, c'est pas son sport préféré. Sa mère ? C'est vrai qu'on pourrait le traiter de fils indigne, à dire qu'il l'abandonnait elle, mais elle les avait quittés il y a quelques années déjà. C'est vrai qu'on aurait peut être pu commencer par ce point. C'est à sa mort d'ailleurs que son père avait commencé à boire. Donc c'est sans remords qu'il s'en était allé.
Son père en fit de même peu de temps après, après une bouteille de trop.

A Londres, il pu pleinement s'épanouir, loin des tracas familiaux, et pu se plonger pleinement dans les études. Et dans l'écriture. Car il avait toujours aimé écrire, mais jusqu'ici il le faisait pour son simple plaisir plus qu'autre chose. Jamais il n'avait songé en faire son métier. Pour lui c'était quelque chose d'inaccessible, un truc réservé à l'élite. C'est cependant l'un de ses amis à qui il avait laissé un peu lire quelques choses qui le poussa à envoyer ses écrits à une maison d'édition. Le succès ne fut peut être pas immédiat, mais les retours furent bons.

Ses études de terminées, il s'en retourna aux Etats Unis, cette fois à San Francisco. Une ville un peu choisie au hasard, il faut l'avouer. La bas, il commença à y enseigner la littérature tout en continuant d'écrire ses romans. Si bien qu'un jour il se mit à gagner nettement plus avec ses écrits que ses cours, ce qui le poussa à cesser sa profession d'enseignant.
Ainsi il avait largement plus le temps de se consacrer à l'écriture, à son plus grand bonheur. Peu de temps après, comme un bonheur n'arrive jamais seul, il finit par épouser l'une de ses anciennes collègues avec laquelle il était en couple depuis son arrivée à San Francisco. Un premier enfant arriva peu de temps après, et un second quelques années plus tard. La, vous vous demandez sûrement comment ce si beau tableau a pu partir en cacahuètes, pas vrai ?
Patience, ça arrive.

Il est tout à fait possible d'être un écrivain à succès, et ne jamais sortir de chez soi, à vivre comme un ermite. Dans les faits, cette idée plaisait totalement à Lys. Sauf que sa femme, elle, préférait largement les soirées mondaines auxquelles son époux était invité. On ne parle pas du tout de séances de dédicaces ou d'interviews. Ça, ça ne le dérangeait pas du tout, au contraire, il se prêtait toujours avec entrain à l'exercice des dédicaces. Alors pour faire plaisir à son épouse, il acceptait ces soirées. Son agent lui avait aussi conseillé de se rendre à quelques unes d'elles, de temps à autre. Se faire voir à ce qui paraît, c'était vendeur.

Sauf que Lysander détestait ça. Ces soirées ou des gens qui puaient le fric donnent deux trois pièces pour des œuvres de charité, viennent se faire voir, remplissent leur agenda, essayent de se faire de nouveaux amis, ces soirées teintées d'hypocrisie le rendait malade. Quand parfois même on ne tentait pas de lui proposer quelques relations extra conjugales, dans le plus grand des calmes entre deux petits fours.

Alors pour faire passer l'agacement, il avait prit un verre. Puis un deuxième. Et plus il se rendait à ces soirées débiles, plus il descendait les coupes de champagne, plus il commençait à se dégoûter à boire cet alcool de riche, plus il descendait d'autres alcools. Et plus il se détestait, plus il s'embrouillait avec sa femme, et pour essayer de sauver les meubles, ils sortaient à ces soirées.

Et ça n'en finissait plus.

En parallèle, ses romans se vendaient de mieux en mieux. Mais Lysander savait bien que ça n'était pas ces soirées, qu'elles soient à San Francisco ou à l'autre bout du pays, qui avaient aidé son succès. Il n'y avait qu'à voir les retours, les commentaires de ses lecteurs. C'était la seule chose qui le faisait encore un peu sourire. Ça, et ses gamins. Et eux dans cette histoire ? Il essayait de ne jamais boire devant eux, ou de se trouver en état d'ébriété en leur présence, mais plus ça allait, moins c'était évident. Et après ça ose encore dire que son propre père n'avait pas été un modèle de sobriété.

Vous la connaissez, l'expression avec l'hôpital et la charité ?

Il va sans dire qu'avec ses déboires, les envies de grandeur de son épouse, les disputes allaient bon train entre eux. Tout arrêter ? Non, c'était trop tard pour lui. Les soirées n'étaient plus depuis longtemps le seul moment ou il buvait. Les bouteilles avaient trouvé le chemin de son bureau depuis longtemps, ainsi que de temps à autre de la drogue. Bah oui, picoler uniquement c'était un peu lassant à force non ? Faut bien un peu pimenter les choses de temps à autre pas vrai ? Parce que ce n'était définitivement plus avec sa femme que ça allait se passer.

Les choses allaient en se dégradant, jusqu'à ce que, à bout, sa femme finisse par demander le divorce et s'en aille avec les gamins. Le laissant seul comme un idiot. Lysander ne chercha même pas contester la chose, conscient malgré tout qu'il n'était absolument pas en état de prendre soin d'eux à l'heure actuelle. Et ne demandez pas si ça lui faisait mal cette situation. Il faudrait ne plus avoir de cœur pour ne pas en souffrir. Ou bien avoir vraiment trop bu, mais ça n'était pas tout le temps son cas …

Alors, une fois qu'il eu un peu décuvé et retrouvé un semblant de lucidité, il lui fallut se décider quoi faire. Plutôt que de rester à San Francisco pour se noyer dans l'alcool, il opta pour changer d'air et retourner à Kanab … pour s'y noyer dans l'alcool. Il ne voulait pas spécialement mettre une quelconque distance entre ses enfants et lui, mais il avait besoin de revenir aux sources. Retourner dans sa ville natale, reprendre un nouvel élan. Ça, c'était dans le meilleur des mondes. Parce qu'en vérité, il était dans cette maison vide, pleine de cartons, une bouteille à la main, à se demander par ou commencer.

Remonter la pente allait être pénible.