Le culot, ça paye. Parfois. ft. Regan

Le culot, ça paye. Parfois.

@Regan Trask  & Lysander Wright

S’il exprima ouvertement sa déception, Wright eu au moins la décence de ne pas se montrer insistant lorsqu’elle lui stipula expressément qu’il était hors de question qu’elle ne lui délivre de quelconques détails sur son expérience personnelle en tant que victime du tueur. De toute manière, dans le cas contraire, elle aurait mis immédiatement fin à leur entrevue. Et elle se réservait encore ce droit à tout moment si jamais il tentait de forcer sa chance à un moment donné de l’entretien. L’écrivain lui expliqua ensuite qu’il ne savait de l’affaire que ce que la presse avait pu évoquer. L’irruption du serveur leur apportant leur commande le fit s’interrompre dans son discours momentanément. Puis, il repris le fil rapidement. Il voulait ses impressions en tant que flic, en tant que personne. Prendre les choses dans l’ordre. Puis, il posa enfin la première vraie question de la soirée. Pensait-elle au moment où l’enquête avait démarré que cela prendrait une telle ampleur ?

Regan porta le goulot de sa bière à ses lèvres pour en boire une gorgée avant de répondre. « Pas du tout. » admit-elle. « On devinait que ce serait une sale affaire. Cela s’était compris de suite en découvrant cette pauvre femme ligotée nue à un arbre, au milieu de nulle part. » C’était des promeneurs en raquettes qui avaient fait la découverte macabre. Malgré elle, l’adjointe replongeait dans ses souvenirs. « Quand on a été appelé sur la scène de crime, avec Selena, ma coéquipière, on a rapidement compris l’horreur qu’avait vécu la victime avant de mourir. » Elle revoyait la scène comme si c’était hier. Elle pouvait presque ressentir le froid glacial de l’hiver dans le Montana. Le paysage enneigé, le corps de la malheureuse entravé et tailladé… Son expression horrifiée gelée et figée. « A première vue, cela pouvait passer pour l’œuvre isolée d’un détraqué quelconque. » Les empreintes de pas dans la neige, qui démontraient que le tueur avait forcé sa victime à marcher pieds nus dans celle-ci, trahissaient le sadisme dont il avait fait preuve. « Mais on a compris que ce n’était peut être que le début d’une liste plus longue, quand on a découvert ce qui ressemblait à une constellation gravée dans l’écorce, au-dessus de la victime. » La constellation du Scorpion, plus précisément. C’était ce détail qui lui avait valu le surnom de « Tueur aux Etoiles » par la presse. Sa signature. « Jusqu’à la découverte d’une seconde victime, avec la même mise en scène de découverte du corps, on avait espéré se tromper. »

Le culot, ça paye. Parfois.

@Regan Trask  & Lysander Wright

Lysander hocha la tête doucement, pendu aux lèvres de l'adjointe. Pas étonnant qu'ils ne se soient pas dit que ça allait être une véritable chasse à l'homme et tourner au drame pour elle. Il prit alors de quoi écrire un peu, afin de ne surtout pas oublier ce qu'ils pourraient se dire ce soir. Pas à retranscrire toutes leurs paroles, ça de toute manière, il avait beau écrire vite il en serait incapable. Mais à prendre des notes, pour ne pas oublier quelques éléments clés, des choses qui lui semblait importantes pour la suite lorsqu'il mettrait ça au propre. Lys ne pu qu'imaginer, ou essayer d'imaginer la scène, trouver une pauvre femme dans cet état dans les bois …Il remonta le regard à Regan lorsqu'elle lui parla qu'elles avaient pu imaginer sans mal quel calvaire la victime avait du subir avant de passer de vie à trépas. Quelle scène horrible ça avait dû être tout de même … Ce que Lysander avait lu sur le sujet lui revint en tête. La localisation de la victime, ses blessures …

- C'est ce que vous vous êtes dit en un premier temps ? Que c'était simplement un acte isolé et qu'il n'y aurait pas de suite ?

Des fois, apparemment, on sentait venir les soucis. Quand on voyait une victime dans un tel état, des fois on se disait que ça n'était peut être pas la première victime, et qu'il y en aurait d'autres. Un meurtre, tout le monde était capable d'en commettre. C'était ce dont Lysander était convaincu. Chacun est capable du pire. Il suffit d'être au mauvais endroit, au mauvais moment, que les pires conditions soient réunies, et la nature humaine faisait son travail. Dit comme ça, ça fait un peu le type qui essaye d'excuser le meurtre, mais il n'en n'était rien, loin de la. Ça n'était que lorsqu'ils avaient découvert la fameuse constellation qu'ils avaient réalisé que ça allait prendre de l'ampleur, et qu'une seconde victime ne confirme leurs craintes. Lys tapota son stylo contre sa joue, réfléchissant un peu à tout ceci. Tant de questions à poser ! Mais il l'avait dit, il n'était pas la pour avoir plein de détails sordides. Ça, il savait en inventer dans ses histoires sans problème, ce qu'il voulait, c'était son vécu à elle, la façon dont elle avait vu les choses, ce qu'elle en avait pensé. Il n'avait pas souvenir d'une question d'un journaliste lui demandant comment elle se sentait face à tout ça.

- Et cette seconde victime, vous avez ressenti le même effroi que pour la première, ou bien ce genre de chose se tasse avec le temps ?

La encore, il se doutait bien que la réponse à cette question variait selon les individus. Certains ne se font jamais à l'horreur, et d'autres apprennent à vivre avec. Mais il se doutait bien que ça ne l'avait jamais laissée indifférente, parce que le jour ou ce genre de scène vous laisse de marbre, il fallait peut être se poser des questions …

Le culot, ça paye. Parfois.

@Regan Trask  & Lysander Wright

Wright se montrait un public extrêmement attentif. Il l’écoutait sans mot dire, prenant quelques notes au passage, tandis que Regan replongeait dans ses souvenirs qu’elle s’était efforcée de tenir à l’écart toutes ces années écoulées, se retrouvant de nouveau dans les étendues glacées et neigeuses du Montana. La voix de l’écrivain lui parvenait de temps à autre, lorsqu’il lui posait des questions, rebondissant sur ses propos. S’était-elle dit dès les premiers temps qu’il y aurait d’autres cas ou pensait-elle que ce serait un cas isolé ? « On espérait qu’il n’y ai pas d’autres cas. Mais au fond de nous, avec Selena, on savait que ce n’était que le début du cauchemar. » L’espoir s’était totalement effondré lors de second appel et la découverte du second corps, confirmant leurs craintes.

Wright arborait une mine songeuse, cherchant probablement à s’imaginer de son côté les scènes décrites par l’adjointe. De nouveau, il la questionna, demandant si elle avait ressenti le même effroi à la découverte du second corps. Ou est-ce qu’à force, elle devenait insensible ? Regan bu une gorgée de sa bière, la bouche sèche, avant de répondre, un sourcil arqué. « Le jour où ça se « tasse » comme vous dites, c’est que l’on est mort de l’intérieur. » rétorqua-t-elle. « La seconde victime, c’est encore pire que la première. Parce qu’on se dit que ce n’est que le début d’une trop longue liste. Parce qu’on s’en veut de ne pas avoir pu l’éviter. Parce que c’est une autre femme innocente qui est morte dans d’atroces souffrances à cause d’un dégénéré. En qu’on sait qu’il en aura certainement une troisième avant que l’on ait pu l’arrêter. » Le cauchemar de tout bon flic. L’impuissance, la frustration de ne pas pouvoir avancer plus vite dans l’enquête, pire, de piétiner dans celle-ci.

« Je ne souhaite à personne de ressentir ce que l’on a pu ressentir durant cette affaire. Sans compter les médias locaux qui en faisaient les choux gras. » C’était d’ailleurs une des raisons qui faisait qu’elle exécrait les journalistes. Des vautours, des charognards, prêts à jeter en pâture des innocents juste pour obtenir un scoop ou dix minutes en prime time. Rien que d’y penser cela lui filait la nausée. Elle-même et ses enfants avaient été exposés ainsi, encore plus lorsqu’elle avait été la captive du tueur.

Le culot, ça paye. Parfois.

@Regan Trask  & Lysander Wright

Alors l'adjointe, à l'époque, ainsi que son associée, se doutaient au fond d'elles qu'elles n'étaient pas au bout de leurs peines. Qu'il y allait en avoir d'autres. Il pouvait comprendre un peu pourquoi elles avaient pensé ça. Un meurtre pareil, une telle mise en scène, c'est rarement un cas isolé, un coup de folie passager. Sans nul doute qu'il y en avait même eut avant celui-ci. Et qu'il avait réfléchit à comment mettre tout ceci en scène. Si ça avait été un meurtre passionnel, quelque chose de personnel, jamais il y aurait eut tout ça. C'est ce que se disait Lysander. Les meurtres isolés sont souvent moins travaillés. La, il y avait un message à faire passer, mais lequel ! Il ne répondit rien, et se contenta de noter quelques mots sur son carnet, afin de ne pas oublier tout ça. Quand à sa question sur si les émotions se tassaient par la suite, il hocha la tête, d'un air entendu. C'est bien ce qu'il se disait. Le jour ou on perd toute sensibilité face à ce genre d'horreur, c'est qu'il y a un problème. On peut apprendre peut être à mieux le gérer, à être moins impressionné, mais sans doute qu'à l'intérieur, ça remue toujours autant. En vrai, il fallait avoir les nerfs solides pour faire ce genre de métier.

- Je comprends.

En vrai,il l'imaginait plus qu'autre chose. Il n'ajouta rien de plus, ne voulant pas la couper dans son élan. La seconde victime, de ce qu'il comprenait, c'était le signe que la machine était en route. Quelque chose s'était lancée, inévitablement. Et que les forces de l'ordre ont été impuissantes face à ça. Impossible d'empêcher un tel drame d'arriver. Ni d'empêcher une troisième. Et une autre.

- Vous est il arrivé dans cette enquête à être partagée, à vous dire que la seule façon de l'attraper serait qu'il fasse une erreur à un moment donné, mais qui voudrait dire aussi commettre un autre meurtre, et partagé entre l'envie de ne pas l'attraper s'il s'arrêtait ?

Et ce qui voudrait dire faire cesser la série des meurtres d'une façon ou d'une autre. D'une part être frustré à ne jamais avoir pu découvrir l'identité du tueur et qu'il ait le procès qu'il méritait, mais de l'autre pouvoir le chopper, mais au prix d'une vie humaine. La peste ou le choléra. Ah tiens, voilà qu'elle abordait le sujet de la presse !

- C'est vrai qu'à l'époque, ils s'en étaient donné à cœur joie ! Pas une semaine ne se passait à un moment donné sans qu'il y ait un nouvel article sur le sujet.

Et puis lorsque ça n'était pas les journalistes, c'était simplement les civils qui en parlaient, sur des forums ou autre, fascinés par cette histoire. Il n'avait pas vraiment regardé ce qui s'y disait, mais savait que ça existait à l'époque. La fascination morbide des gens, ou bien ceux qui pensaient pouvoir faire le travail à la place de la police, l'un ou l'autre. Mais dans les deux cas, ça ne l'avait pas intéressé.

- Et pour vous, pour vos proches, ça a été difficile de gérer cette pression médiatique soudaine ? Je pense bien que lorsqu'on choisit votre profession, on est pas formé à ce genre de situation en amont.

Ça l'étonnerait en tout cas qu'il y ait un cours optionnel en école de police sur la gestion médiatique, et comment gérer une célébrité soudaine suite à une affaire !