Sofia & Thomas- le passé c'est douloureux ...

Thomas se demandait encore comment il avait accepté de garder cette maison qu’il détestait tant. Elle lui rappelait tant de mauvais souvenirs, maintenant il pouvait la vendre et il n’allait pas s’en priver. Sa mère avait fini par accepter d’aller dans une maison de retraite, elle ne pouvait plus s’occuper d’elle-même et même si il la jugeait quelque peu responsable du fait qu’il ait été en foyer, il avait gardé contact, c’était sa mère après tout, son père en revanche, il ne l’avait jamais plus revu. Il ne savait pas ce qu’il était devenu et ne voulait pas le savoir. Le jeune homme était là devant la porte de la maison, le cœur lourd parce qu’il fallait y entrer et prendre des photos pour la mettre en vente, mais il y a bien une pièce où il lui était incapable de faire ça et c’était pourtant une pièce importante alors il hésitait à demander à Sofia de venir l’aider, elle était surement plus douée que lui pour les photos. Il ne savait même pas vraiment pourquoi il disait ça, alors il avait fini par lui envoyer un message, après toutes ces années, ils avaient gardé contact, une de ses rares amis de l’école primaire. Il n’avait jamais beaucoup aimé l’école, c’était nouveau et on se moquait beaucoup de lui parce qu’il ne savait pas ce qu’il devait faire, parce qu’il n’était pas comme tout le monde et qu’il avait commencé les cours à huit ans avec beaucoup de retard. Il s’était rattrapé avec le temps bien sur, mais cela restait une grosse souffrance dont il parlait peu. De toute façon il ne parle jamais de tout ça, de ses souffrances, de ses sentiments, c’est quelque chose qu’il ne sait pas aborder, parce qu’on ne lui a jamais appris à le faire.

Thomas se dirigea vers la porte qui menait au jardin, une petite terrasse sur laquelle il n’y avait pas grand-chose, des vieilles chaises pleines de toiles d’araignées, sa mère n’arrivait plus à entretenir la maison, il n’avait pas tellement aidé non plus, mais il savait qu’elle détestait autant que lui cet endroit. Il s’était toujours demandé pourquoi elle ne l’avait pas vendu avant. Il observait le fleuve sur le bord de la terrasse, les mains dans les poches de son costume cravate, il n’avait pas vraiment pris le temps de se changer après le travail, il voulait faire ça au plus vite. Cette maison lui donnait la nausée et le fleuve aussi, il n’avait jamais pu y approcher et pourtant il en rêvait, mais avant qu’il n’ait vraiment pu le faire, son père avait tenté de le noyer, alors il restait bien loin de tout ce qui touchait à l’eau. Il ne l’avait jamais dit à personne, pas même à Sofia, parce qu’il avait toujours fait croire qu’il avait oublié ce qui s’était passé, même si des voisins avaient entendu dire certaines choses. Il mentait pour ne pas devoir affronter la réalité. Il sursauta lorsqu’il entendit la porte s’ouvrir derrière lui, il était tellement dans ses pensées qu’il n’avait pas entendu Sofia arriver. Il soupira avant de dire :

« Tu m’a fichu la trouille, je ne t’ai pas entendu arriver. Merci encore d’être venu. Je craignais que tu ne veuille pas venir. »

Il aurait tout à fait compris. Leur enfance avait été particulière alors forcément cet endroit ne leur plaisait guère, ni à l’un ni à l’autre.

Thomas sorti son téléphone et regarda ses messages, il n’avait pas vu qu’il en avait en effet reçu un. Il était sans doute trop occupé par ses pensées. Il lève la tête vers elle et lui réponds :

« Je suis désolé, je n’ai pas regardé mes messages, j’étais … ailleurs. »

C’est le terme qui convient, ailleurs, perdu dans ses pensées. Il détestait cet endroit, c’était certain, il se rappelait de tout en réalité, même s’il disait le contraire, enfin il avait occulté une partie de ce qui était arrivé, jusqu’à ce qu’on le repose la question une fois, tout était revenu d’un coup et ça avait été ras de marré, qui l’avait frappé et rendu presque muet. Il avait du sortir de la salle où il faisait une interview, sans vraiment donner d’autres explication qu’il devait s’en aller. Peut-être que certains n’avaient pas tort finalement quand on lui disait qu’il devrait voir un psy, mais il était têtu et il s’y refusait.

Il jeta un œil derrière lui avant d’entrer dans la maison et de montrer la pièce du fond, il y avait un espace salon cuisine, salle à manger, tout en même temps et trois porte différente, les deux premières étaient les chambres, et la dernière la fameuse salle de bain. La maison était de plein pied. Elle n’était pas bien grande, mais elle respirait le renfermé et il y faisait trop sombre pour que la lumière soit éteinte la journée, pas très engageant en somme. Il lui indiqua alors :

« Celle du fond, au fond à gauche. »

Il se rappelait très bien le vieux carrelage rosé ou saumon, d’ailleurs il n’avait jamais su très bien dire quel était cette couleur, mais c’était resté dans son jus, il y avait même encore quelques serviettes de bains posés en désordre, comme si sa mère les avait utilisés et ne les avait pas rangé, d’ailleurs il y avait un peu de bazar dans toute la maison, il a allait devoir tout nettoyer et vider. Sa mère avait beaucoup changé après ce qui était arrivé et il était certain qu’elle ne lui avait pas tout dit, qu’elle lui avait volontairement caché des choses concernant son père. Il sourit à son amie, il savait qu’elle avait toujours été compréhensive, malgré ses nombreux mystères et qu’elle ne lui avait jamais rien demandé pour autant.

« Merci, ça devrait aller, je vais devoir de toute façon vider tout ça, ma mère a accepté d’aller en maison de repos, elle perd un peu la boule et elle m’a dit que je pouvais en faire ce que je voulais, qu’elle était à moi et je n’en veux pas. Je ne veux pas de cette barraque. »

C’était trop de souvenirs douloureux, cet endroit avait été une prison pour lui qui n’avait jamais pu sortir avant cet accident, jamais il n’avait pu mettre les pieds sur cette terrasse alors cette maison il voulait s’en débarrasser et il demanda :

« Enfin tu vois je suppose … elle est affreuse en plus cette maison. »

Thomas avait conscience qu’il n’était pas très juste, qu’elle pouvait avoir du potentiel si on y faisait quelques travaux, mais il préférait encore la céder pour rien que de devoir y mettre tout son temps et revenir sans arrêt.