help me, kitty cat (C.J. Carter)

Ce matin, Kerry a découvert un petit sac poubelle dans lequel se trouvait un petit chaton, tout gris. Comme les chat de gouttière. La relation de Kerry avec les animaux n'est pas très certaine. Il n'a eu que rarement l'occasion de pouvoir s'occuper d'un animal, surtout après seize années enfermé en prison. Cependant, cela ne l'empêche en rien de venir au secours de ce petit être. Il semble déshydraté, et Kerry se hâte dans son appartement pour préparer un petit bol d'eau, voir un petit bol de lait. On dirait que le petit chaton a seulement quelques mois. Il est tout petit. La peau sur les os. Le regard attristé par la misère. Une petite caresse sur le pelage collé par la saleté, il soupire. Kerry sera sans doute en retard à son travail, aujourd'hui.

Il attrape son portable et laisse un message à son patron. Pitié, faites qu'il ne le vire pas pour ça... Kerry a un grand coeur, et la seule chose qui lui importe à l'instant, c'est la survie de ce petit être. Il attrape sa veste, prend une serviette pour envelopper le petit chat.

Celui-ci ronronne, contre sa main.
Un sourire se dessine à nouveau son son visage, troublé par la tendresse de l'animal.

En quelques minutes, il se trouve à l'entrée de la clinique vétérinaire la plus proche. Elle est situé dans un quartier à quelques pas du sien, mais il a marché si vite qu'il n'a pas eu l'impression qu'une distance si importante se trouve entre son appartement et la clinique.

Il franchit le seuil, et parle à l'assistante vétérinaire à l'accueil. Il explique qu'il a trouvé le chaton dans la cage d'escalier de son immeuble, pas loin de son appartement. Il explique qu'il semble déshydraté et que l'eau et le lait n'ont eu aucuns effets.

Assis dans la salle d'attente, Kerry dépose ses doigts sur le petit corps chaud de la bête, comme pour le rassurer. Et, il ronronne à nouveau. Il ronronne si fort qu'il en ressent tous les bienfaits. Kerry se perd dans la contemplation de l'animal, ne remarquant pas l'arrivée d'une jeune femme.

Je vous ai observée, Calamity

Vos yeux sont si intelligents, si jolis.
Même quand vous portez vos lunettes, ils brillent et m’ensorcellent.
Aucun homme ne vous mérite.
Je veux faire partie de votre vie…  
Je veux que nous partagions tout.
               
Je vous veux.  
Je vous veux.
Je vous veux…


Ce matin, une nouvelle missive avait encore atterri dans la boite aux lettres de la clinique, adressée à son nom à elle, sans aucun signe distinctif. Cela faisait plusieurs semaines qu’elle recevait ce type de lettres. Au départ, elles paraissaient être issues d’un admirateur secret, une blague de mauvais goût. C.J n’avait pas voulu y prêter d’attention outre mesure, ni leur donner une quelconque importance. Elle les avait donc rangées dans le tiroir de son bureau sans en parler à personne, et surtout pas à ses filles, notamment Ashley, qui travaillait avec elle à la clinique comme assistante. L’auteur des écrits se lasserait probablement tout seul. Sauf qu’il n’en était rien, et que semaine après semaine, les lettres arrivaient encore, chaque fois avec un contenu plus... inquiétant. Comme si elle était observée. Espionnée. Traquée. Celle-ci avait une connotation encore plus sinistre que les autres d’ailleurs. Je vous veux. Mais quel genre de personnage pouvait bien lui écrire cela ? L’éventualité que ce soit Kerry l’auteur des courriers lui avait traversé l’esprit, mais elle ne reconnaissait pas son ex-mari, malgré ses défauts, dans ce genre de démarche. Mais comment en être sûre ? Après tout, il avait bien envoyé un type la faire taire seize ans plus tôt… Peut être était-ce lui l’auteur. Juste pour l’effrayer. Pour se venger d’elle. Elle en avait parlé à la police mais ils lui avaient fait comprendre qu'ils ne pourraient pas faire grand chose dans l'immédiat. Il n’y avait aucune menace explicite dans le contenu des lettres. Juste que cela la mettait fortement mal à l’aise.

Pour l’heure, une journée de travail à la clinique l’attendait. Aussi, rangea-t-elle la lettre dans le tiroir avec les autres, et enfila sa blouse pour s’enquérir des rendez-vous à venir. En se rendant à l’accueil, elle balaya du regard la salle d’attente. A cette heure matinale, il y avait encore peu de patients à fourrure ou à plumes. C’est alors qu’elle vit un homme qui paraissait tenir un chaton dans ses mains. Il lui tournait le dos et elle ne pouvait distinguer ses traits, mais sa silhouette lui parue étrangement familière et une sentiment de malaise la reprit. « Ce type amène un chaton abandonné. » lui précisa la réceptionniste. C.J la remercia et inspira profondément avant de se diriger vers l’individu en question. Arrivée à sa hauteur, elle se figea et blêmit, avec l’impression que le sol se dérobait sous ses pieds.

« Kerry ? »

Le chaton entre les mains, Kerry tremble littéralement. Des spasmes de surprise. L'étouffement d'un moment qu'il n'imaginait pas être... tout de suite. Kerry se retrouve nez à nez avec elle. La seule et unique femme qu'il a su aimer de tout son être, depuis si longtemps, si jeune, si innocent. Son regard se pose sur elle. Le visage pâle, surpris. Kerry l'observe, sans voix. Le petit chaton ronronnant, poussant des petits cris pour attirer l'attention de l'homme. Attention complètement accroché ailleurs, à elle, à celle qui l'a abandonné, littéralement. Il déglutit, inspire profondément. Son regard toujours posé sur elle. Son coeur palpite à mille à l'heure, mais il décide de couper ce silence pesant.

C.J. ?

La même intonation de surprise émet d'entre ses lèvres. La probabilité pour tomber nez à nez avec elle ? Elle était infime, cela est vrai. Kerry l'a bien cherché pendant un moment, il a bien tenté de trouver où elle habitait, où elle bossait. C'est au moment où il ne cherchait plus que...

Les voilà, face à face, dans la salle d'attente de la clinique vétérinaire.
Elle bosse ici, peut être ?

Le chaton mordille le bout du pouce de Kerry et il baisse son regard vers l'animal. Son regard se fait plus attendrissant. Un sourire se dessine même sur son visage pendant l'espace de quelques secondes.

J'ai trouvé ce chaton dans la rue. Il a besoin de soins. Peux-tu m'aider ou tu vas aussi abandonner cette bestiole ?

Le ton de Kerry est cette fois, dur, froid. La violence des derniers mots rappellent la brûlure, la douleur de leur séparation. La trahison de s'être retrouvé seul pendant seize années, et d'avoir subi une ordonnance d'éloignement sur sa famille.

Aujourd'hui, il n'est plus le même homme.
Aussi, il est juste là pour sauver le petit chaton.
Rien de plus, pour le moment.