J'aurais préféré attraper un magicarpe. (William)

Plissant son regard cerné de noir au-dessus de l’écran d’un portable qui lui crachait au visage une trop haute luminosité, Dulcinea chassa de ses yeux fauves le passant qui se dressait odieusement entre elle et son petit Anchwatt. Pokemon go tournait inlassablement durant ses trajets à pied, et comme elle était trop fauchée pour avoir sa propre voiture, autant vous dire que c’était elle qui gouvernait chacune des arènes de la ville sans pitié aucune. Elle sifflait que la marche était là pour entretenir le galbe de ses fesses, mais la vérité était qu’elle aimerait un jour pouvoir claquer son milk-shake dans le porte gobelet de sa propre voiture, comme une véritable adulte. Mais pour l’heure, ça lui permettait de chasser du pokemon sur le chemin qui la menait au Pinky’s puisque ses collègues n’avaient aucun respect des jours de congé et qu’on lui avait demandé de venir discrètement pour ne pas alerter le boss. Cette seule indication avait arqué son sourcil en point d’interrogation mais la Detrova n’avait soufflé mot. Bien contente d’avoir une nouvelle information à brandir pour faire chanter les autres ou jouer les faillottes quand, à la manière d’un chat, elle dégagerait ses plus beaux battements de cil devant William. Elle priait pour une simple fuite à réparer, des tenues maladroitement écorchée, ou juste l’envie de voir son beau sourire à dire vrai, mais c’est en poussant la porte d’un coup de hanche pour ne pas rater son lancé de pokeball que la Detrova se figea net. “LAISSE LA PORTE OUVERTE !” Lui avait-on crié, “On va l’avoir ce con !” Mais l’ombre que chassaient ses collègues à quatre pattes pour observer le dessous des sièges et banquettes fila dans le sens inverse pour s’engouffrer à toute vitesse dans la cave.
Pinçant dans une moue circonspecte la clôture de son application, Dulcinea engagea le mode “lampe” de son portable et s’avança d’un pas lent en direction du lieu où l’on stockait alcool et fut de bière pour s’accroupir devant la naissance des escaliers.

-Je dois attraper quoi, encore ?

Un vison, lui avait-on soufflé puisque son collègue vigile était plus qu'essoufflé après avoir couru après cette bestiole qui avait été introduite on ne sait trop comment, mais refusait fermement de sortir. La chasser avant l’heure d’ouverture était pourtant une nécessité puisque personne ne voulait prendre le risque de voir cette furie noire filer entre les jupes des danseuses de ce soir, ou courir entre les pattes des clients. D’autant plus que le bosse et le manager devaient arriver d’ici une heure et que la personne en charge durant leur absence étaient en panique véritable à l’idée qu’on la juge incapable de tenir le bar en leur absence. Une dramaqueen en puissance estima bébé Detrova qui, s’armant d’une veste de vigile pour enrayer les morsures, plongea d’un pas déterminé avec son portable dans cet enfer où l’accueillait un cerbère vif et hargneux.
... Autant vous dire que s'il était de notoriété commune que de savoir les Detrova solide, et Dulcinea teigneuse, c'est très tôt qu'on l'entendit hurler à ce qu'on la sorte de là quand bien même ses collègues entassé au dessus de la porte de la cave s'acharnaient à lui promettre qu'elle s'en sortait bien. Foutaise ! Il n'y avait pas un seul vison, mais toute une armée ! Comment est-ce qu'ils avaient pu nicher ici sans que personne ne voient rien ? L'heure passa à grand renfort de cris semi-paniqué et "Putain je l'ai ! Je l'ai... IL ME MORD !" mais le dernier locataire illégal du Pinky's fila à toute vitesse dans la  grande salle une heure après avoir pénétré la cave. Au total, il était cinq : une mère et ses petits, et si trois étaient parvenu à fuir le bar à strip-tease à grande foulée, il en restaient encore deux planqué derrière le bar.

Échevelée, la joue griffée et les sourcils froncés si fort qu'ils semblaient porter le poids du monde, la Detrova vociférait à quatre patte avec son portable dans une main, le manche d'un balais dans l'autre pour tenter de conduire le vison mère et fils à fuir hors de leur cachette pour doucement les conduire vers la sortie, mais le corridor humain qu'elle avait monté dans ce but ne répondait plus à ses sollicitations.

-Putain Caroline ! Je t'ai posé une ques-... Oh. Bonjour patron.

@William White

“En fait je ne veux pas savoir”. Figée comme un opossum qui feignait la mort, c’est tout juste si Dulcinea glisse un regard en direction de ses collègues pour connaître la marche à suivre avant de daigner observer son patron et lui sourire. Charmante, comme à chaque fois qu’un policier lui chopait le poignet, la Detrova prendrait presque des airs de faon innocent mais se laisse déstabiliser par la prise du balais puisque, pendant le laïus de William à l’égard des autres, la brune avait tenté une dernière fois de faire sortir le vision mère en priant pour que le petit suive. Peine perdue, le boss l’entraîna à sa suite dans son bureau en dépit du maigre “J’y étais presque !” plaintif qui avait signé l’enlèvement de sa plus jeune employée. Peine perdue là encore : il avait des bras qui faisaient la taille de ses cuisses. Autant vous dire que le rapport de force était disproportionné. La dernière née Detrova ne conteste pourtant pas longtemps les ordres puisque sitôt lui demande t’on de s’asseoir qu’elle s’exécute en tournant le visage loin de la trousse de secours puisque foncièrement douillette en dépit des grands airs qu’elle se donnait lorsqu’elle arguait que rien ne lui faisait peur et qu’elle pouvait retourner le monde dans un rire sadique. La vérité c’est qu’elle chouinait toujours devant l’apréhension d’un désinfectant qui pique, et qu’elle était incapable de regarder les aiguilles qui approchaient sa peau. Il faut dire qu’elle n’avait pas souvent affaire au corps médical et que chaque bobo causé été regardé en haussant les épaules : quelles étaient les chances pour que ça s’infecte, sérieusement ? Et puis au pire quoi ? Entrouvrant les lèvres pour rassurer Monsieur White, Dulcinea se liquifierait pourtant presque devant la mention du spectre de la rage. Etait-elle vaccinée ? Etait-elle à jour ? Elle n’en avait foutrement aucune idée. C’était Sofia qui jouait les mamans et gardait un oeil sur son carnet de santé ! Fixant le vide comme un poisson mort le ferait, la toute jeune adulte réalise qu’elle n’a pas même idée de où est son foutu carnet de santé. Certainement chez Sofia, quelque part, peut-être à la maison, chez maman ? Ah moins que ce ne soit Lazlo ou Dario qui l’ait ? D’une voix blême, alors, elle tourna son regard en direction de William pour  lui répondre :

-C’est quand, l’âge de vaccination contre la rage ? Non parce que je crois que mon grand frère a du me le faire faire mais…

Mais elle n’avait pas spécialement envie de mourir stupidement, et encore moins pour ça. A la rigueur, se briser la nuque en urbex parce qu’elle visitait un bâtiment instable et insalubre, à la rigueur… Etait-elle par ailleurs à jour sur son vaccin contre le tétanos ?

-Je vais demander à ma grande soeur et… On est d’accord que ça ne va pas piquer, hein ? Le désinfectant je veux dire.

Dégainant son portable d'une main habile, la brune avait tout de même reculé la tête pour poser cette ultime question avant qu'on ne daigne la soigner, pinçant sous ses sourcils froncés une moue à mi chemin entre l'enfant et le chat effarouché. Elle toisa son patron de longue seconde avant de baisser la garde pour spammer Sofia de messages afin de s'assurer de sa bonne santé. "Au pire je meurs. Enfin, non. Au pire je me change en une sorte de zombie, je mords quelques gens au passage puis je meurs. Mais au moins ça attirera des touristes par la suite et on pourra faire un film intitulé "La nuit des morts vivants kanabien" : Ca ferait tourner l'économie locale. Peut être même celle du Pinky's, qui sait !"

@William White

“Je ne sais plus moi si tu es à jour avec ton vaccin de la rage ”.

Inspirant profondément devant la réponse de Sofia, Dulcie se fit violence pour ne pas dramatiquement révulser sa tête en arrière et se cogner contre le dossier de sa chaise. Tout irait pour le mieux ; Lazlo ou elle lui avait forcément fait faire. Pourtant l’évocation de rappel entre les lèvres de William la fit aussitôt clore un oeil dans une grimace équivoque. La dernière fois qu’elle avait été traînée de force chez le médecin, c’est quand elle était fiévreuse et qu’elle rugissait pourtant ne pas vouloir y aller. Autrement dit, il y avait une éternité ; elle n’était définitivement plus à jour. Sous-pesant trois seconde ce qui était le pire entre un vaccin ou la mort, quand bien même elle s’était tatouée elle-même à seize ans et qu’on serait en droit de lui dire qu’elle avait connu bien pire niveau piqûre, force fut d’admettre que c’est dans une dernière inspiration dramatique qu’elle vint à accepter son sort ; Elle consentait à aller à l'hôpital mais tirerait la gueule durant tout le trajet. Et une chance que c’était son patron qui l’y envoyait et pas son frère, sans quoi elle aurait certainement tenté de mordre le bras d’un Lazlo la traînant à grand cris jusqu’à l’entrée.

Arrachée à ses pensées par une chaise brutalement ramenée contre celle de William, la Detrova ne s’offusqua ni de la proximité, ni de cette main posée sur la sienne, mais toisa longuement le propriétaire du pinky’s cabaret. Ses mots eurent tout de même pour effet de piquer un sourire en coin puisque la combinaison “film de zombie” et “Danseuse en petite tenue” flanquait à ses neurones des réminiscences de série b franchement nanardesque. Le genre de nullité avec des blagues bien beauf qu’elle jugerait cruellement, avant de s’étouffer avec ses m&m’s parce que logique et cohérence seraient portées disparues. Pour un peu, elle verrait bien son patron dans le rôle du héro faisant sauter des zombies par centaine mais cette vision s’effaça au profit d’une glace puisque …

-D’accord, mais une coco-citron vert. Rendue toute impérieuse par le marché, quand bien même l’air était encore un peu plaintif, la Detrova avait redressé le dos dans une volonté évidente de feindre force et honneur. L’attention se porta pourtant rapidement à ses messages pour ne pas voir venir le coton imbibé et elle ne moufta plus la moindre protestation à l’égard du désinfectant. “Mais si l’infirmier ou le docteur me fait mal, je le mord jusqu’au sang. ”

Elle avait jeté cette affirmation avec un tel détachement qu’il était évident qu’elle en était capable. Il faut dire que si elle se faisait toujours effroyablement volontaire ici, irradiant sous les rires et le besoin de bien faire, mini Detrova était connu des services de police pour avoir autant cassé de nez que dérobé des portefeuilles. Un petit passif dont elle ne se vantait jamais mais que crachait pourtant sans mal ses iris lorsqu’elle s’assombrissait à la moindre contrariété. Elle n’avait pas grand chose de la princesse fragile, quoi qu’elle aimait feindre, plus encore maintenant qu’elle n’avait plus à trainer dans les ruelles sombres pour alimenter les addictions ou se fourrer dans de mauvais plans.

-La dernière fois j’ai fini avec un hématome de la taille de mon poing Murmura t’elle au dessus de son écran, gonflant les joues comme le ferait un hamster sans se rendre compte que l’on ne visait pas les mêmes zones pour un vaccin et une prise de sang ; ses veines de bébé, minuscules et invisibles, ne seraient cette fois-ci pas un problème.

@William White

Pinçant entre ses lèvres des zygomatiques qui s’acharnaient à creuser ses fossettes, Dulcinea se fit violence pour taire le sourire en coin venu naître aux mots de Monsieur White. Tu prends ce que tu veux, où tu veux, et bientôt quand tu veux ; ça commençait toujours comme ça et elle finissait par régner sur son monde comme un chat engraissé au pâté hurlant pour que son humain daigne le nourrir. Elle pourrait presque en plisser les yeux de délice si le spectre du vaccin ne remuait pas si vicieusement ses tripes pour la faire -tout de même un peu, beaucoup-  angoisser. Il ne fallait pas déconner, toute Detrova et badass qu’elle était, ça restait une chose qu’elle haïssait au plus haut point. Soufflant fort du nez devant l’évocation du fait que les médecins n’était pas là pour lui faire du mal puisqu’elle était prête à ressortir de tête tout les grands noms de la médecines qui avaient commis des atrocités, pour ensuite pointer du doigt la gynéco’ qui l’avait un jour ausculter en crachant qu’elle était un véritable boucher, Dulcinea se laissa tout bonnement déstabilisée dans son plaidoyer à venir par l’idée de mordre dans la musculature patronale. Intuitivement son regard s’était agrippé à ses biceps; les avait tâté mentalement, avant de se rendre compte qu’elle s’en pèterait tout bonnement la mâchoire.

-Je finirai avait la mâchoire tordue ou absente. Au mieux avec des dents pétés : Voyons patron, le but des danseurs n’est pas d’appâter des gens au bar ? Ce serait vous tirer une balle dans le pied. Mieux vaut me laisser mordre un médecin ou infirmier.

Opinant devant son propre premier degré, la Detrova balaya loin, très loin, l'idée de devoir finir en culotte pour une piqure près ou sur la fesse : elle portait une culotte honteuse. Vraiment honteuse. Il était hors de question qu'elle ait à l'exposer et encore moins devant son boss. Pour le coup, ça serait tirer une balle dans son propre pied après avoir mit autant de force et d'énergie à le convaincre qu'elle pouvait danser et mettre en scène son charme tout en lascivité. Se convaincre elle-même, aussi, puisque ce job lui permettait d'appréhender sa propre féminité. Elle qui était si cruelle envers les courbes de son corps et complexée dans chacune de ses aspérités.

-La glace avant, la torture après. Comme ça si je meurs, je mourrais en paix ! C'est typiquement l'excuse qu'elle sortait quand on la voyait débuter son repas par le dessert ; elle commençait toujours par le meilleur puisqu'elle pouvait s’étouffer durant le repas et mourir connement. Et puis en fin de compte, tout finirait mélangé dans son estomac alors l'ordre des choses, sincèrement, elle s'en foutait un peu. "En plus le meilleur glacier de la ville se trouve à St.Johns, et si on doit aller à l’hôpital on doit obligatoirement aller à l'ouest." Marquant une courte pause, le regard de la Detrova se chargea subitement d'étoile lorsqu'il harponna l'âme de William pour la seconde fois "Sauf si tu veux aller à celui du Jackson Lake ?"

Parce que déguster sa glace au bord de l'eau, c'était tout de même vachement cool. En oubliant presque qu'elle était peut être en train d'incuber la rage pour avoir fait le choix con de tenter d'attraper des visons avec tantôt une veste de vigile, tantôt ses mains parce que la veste n'était pas assez malléable pour être pratique, c'est d'une main toute décidée qu'elle offrit au propriétaire du Pinky's Cabaret ; "je peux même conduire si tu veux !" L'audace était posée, oui.

@William White

Gonflant doucement les joues dans une expression hautement boudeuse avant d’appuyer dessus de ses index pour les dégonfler quand William lui répéta que tout se passerait pour le mieux, Dulcinea emboîta son pas en direction du parking mais se fit violence pour taire le petit sourire satisfait venu naître à l’évocation d’une potentielle seconde glace. Seulement si elle se tenait à carreau. Qui sait, peut être ferait-elle un effort s’il y avait autre chose que sa propre survie en jeu. Chassant de son pouce les notifications qui s'agglutinent sous son écran, la danseuse pouffa franchement devant l’idée de finir dans le coffre ; elle hurlerait si fort qu’il n’aurait pas le temps de démarrer avant que la police ne leur soit envoyé. C’était une certitude. Il faut dire que la Detrova avait du coffre à force de chanter sur du rock et du metal, et qu’elle était devenue hautement endurante durant son adolescence puisqu’elle avait alterné entre les “je t’aime” et “En fait je te hais !” craché à grand cris au visage de Lazlo.

-Elle me dit qu’elle me rejoindra à l’hopital quand, au boulot, ça se calmera. Mais on est d’accord qu’ils ne vont pas me garder, hein ? Répondant sans lever le nez de son portable, Dulcinea met un temps certain avant de tiquer puisque l’air qu’elle finit par offrir à William se fait tout d’abord surprit, puis profondément intrigué. Pourquoi ça l’intéressait ? Plissant le regard de manière un poil suspicieux puisqu’elle savait sa grande soeur hautement sexy mais n’avait pas spécialement envie de la savoir dans le lit de son patron, la brune entrouvrit les lèvres mais se ravisa. S’épargnant la question du “on est d’accord que vous ne couchez pas ensemble, hein ?” au profit d’un “Elle ne sait pas que j’ai quitté le bar pour devenir danseuse. Si ça peut rester ainsi, ça m’arrangerait.” qui était un poil plus important, au final.

Si elle ignorait comment Sofia prendrait la chose, elle n’était en aucun cas dupe sur la réception de cette promotion aux oreilles de ses deux frères. Ils n'avaient pas autant bossés pour qu'elle finisse danseuse dans un club de strip-tease. Déjà que leur annoncer qu'elle y tenait le bar avait été une épreuve de voltige...  Soupirant devant cette seule idée, Dulcie abattit son coude contre le rebord de la fenêtre pour mieux caler sa joue durant le trajet. Elle songea longuement au fait que la bourse suffisait tout juste à payer ses études mais ne couvrait en rien les factures. Les siennes, celles de ses frères et soeurs, et plus encore celle d'une mère qui claquait son maigre salaire dans l'alcool. Elle avait beau travailler à son tour et faire les yeux doux à des hommes plus agés, elle angoissait toujours à l'approche de la fin du mois. Et encore plus quand le spectre de la dette médicale planait sur son petit crâne effrayé ; c'était bien pour ça qu'elle avait prit un job de danseuse, au départ. Pour l'assurance santé. Ensuite seulement pour le coté cathartique que le job lui procurait, et la réappropriation de son propre coeur. Mine de rien, danser devant les autres lui permettait de mieux appréhender une féminité toute complexée. Quoi qu'elle aime clamer haut et fort.

Glace en main, la Detrova chasse pourtant aisément l'anxiété. Rendue presque insouciante par ce petit cône qui la charmait de ses couleurs. Penchant la tête en direction de William lorsque celui-ci clame ne pas en avoir prit depuis une éternité, elle répond au tac au tac :

-Je juge ! La vie est beaucoup trop courte pour se priver de ce genre de plaisir. Il faut vraiment que tu t'en prennes une au bord de l'eau, en après midi : c'est tout un mood. Et puisque c'était lui qui payait, elle profiterait de sa glace avec plus encore de délectation. Ca, et se hisser sur les toits pour observer les étoiles avec des écouteurs. Tu fais quoi, toi, pour te faire plaisir ?

@William White

Se coulant dans son siège en gonflant les joues, Dulcinea souffle du nez devant l’idée même qu’il lui faudra mettre au courant sa fratrie pour cette promotion qu’elle avait arraché à la sueur de son front. Si elle était fière d’avoir convaincu William de ses talents et de sa pleine légitimité à danser entre des hommes et femmes bien plus expérimentés, force était d’admettre que comme pour ces cadeaux qu’elle ramenait sans jamais donner leur origine, elle aimerait garder sous le couvert du secret cette profession qui appuyait sa bourse d’étude  dans le financement des loyers et impayés. Ils seraient déçus. Hautement déçus. Ce n’était pas ce pourquoi ils avaient tant sacrifié et pourtant, pouvait-elle décemment fermer les yeux sur les problèmes d'argent et dettes qu’Aurora -sa mère- accumulait ? Non. En définitive elle ne le pouvait pas. Tout les Detrova avaient mit en péril leur avenir pour la sauvegarde de celui de la dernière ; il était hors de question qu’elle ne contribue pas au soin de son foyer maintenant qu’elle était en âge d’avoir un travail légal. C’était toujours mieux que retourner dealer. “Je démentirai.” Affirme-t-elle avec un aplomb tel qu’il ferait ciller les Titans et l’Olympe. Il serait aisé de vérifier, pourtant, mais elle se savait assez convaincante et capable de pleurer sur commande pour assurer à ses proches qu’il n’y avait définitivement pas de souci à se faire : elle continuait à servir des bières dans ce club de strip-tease. “Au moins le temps d’éponger quelques factures..” Elle n’en dit pas plus durant le trajet puisqu’en dépit de ses airs aussi théâtral que dramatique, la Detrova était effroyablement secrète quand il s’agissait de sa vie et de ses ressentis. Elle était passé Maître dans l’art de souffler de la poudre au yeux pour cacher ses cicatrices, et il n’était de fait pas tant étonnant de la savoir passionné par la prestidigitation. Détourner les regards pour créer un semblant d’émerveillement, faire apparaître des pièces derrière l’oreille et se barrer avec les portes monnaies étaient en définitive devenu une seconde nature qu’elle n’assumait pas au grand jour mais qu’elle avait acceptée. Ses frères et soeur découvriront évidemment un jour ce nouveau tour, et certainement le défendrait-elle à grand renfort de cris puisqu’elle  ne savait pas exprimer sainement tout le chaos qui lui nécrosait les tripes. Complètement paumée, elle était pourtant convaincue du bien fondé de son raisonnement.

Glace en main, la démarche aussi altière que l’était celle des chats sans colliers qui avait fait du Monde le leur, Dulcinea jugea ouvertement les réponses de son patron. Elle s’était essayée au Yoga et ça n’avait en définitive rien de bien plaisant ; s’entendre dire “détendez vous” quand pourtant elle souffrait le martyr dans des postures improbable lui donner envie de jeter le bloc sur lequel elle avait posé son cul au visage de son professeur. La bouteille… Elle ne buvait pas, et avait trop souvent ramassé celles de sa mère étalé à même le carrelage qu’elle ne trouvait aucun enthousiasme à se voir servir un verre. Quand aux projets… “C’est définitivement du travail. Ca ne compte pas.”
Prenant grand soin d’arrondir sa glace sous sa langue chaque fois que celle-ci fondait, la brune sembla longuement réfléchir : “Je ne suis pas la “jeune femme dans la vingtaine” la plus conventionnelle qui soit. Je fais la fête, mais c’est plus pour oublier que me faire plaisir. Mmmh. L’Urbex ?” Elle aimait explorer, se faufiler, fouiner. L’esthétique des lieux écroulés sous le poids du temps, vermoulus sous les griffes légitimes de Mère Nature. Parfois elle se laissait à prendre des photos mais souvent elle se contenter de flâner. Errer comme un spectre, plutôt. “J’aime lire. Beaucoup. Surtout quand il pleut trop pour que je puisse sortir. Regarder des nanars horrifiques… Troller les cons sur Tinder, aussi... Chanter. Danser. Les petits plaisir quotidien quoi !”

Nicher dans les bras de Sofia les soirs d'orage parce que aussi téméraire aime t'elle se prétendre, elle aime toujours se faufiler sous ses couettes quand le ciel se déchirent à grand bruit au dessus d'elles. Les blagues nulles de Dario. Observer Lazlo bosser ses chevaux... Des petites choses simples, au final, même si elle ne crachait jamais sur une soirée théâtre / resto financé par ses Sugar Daddy.

-Mais si vous voulez draguer de la vingtenaire, Tinder c'est bien. Pas de phrases d'accroche nulle et beauf, et encore moins de Dad joke par contre !

@William White